La période et le lieu approchés par ce livre-là sont tout à fait passionnants – c'est d'ailleurs la raison pour laquelle Mademoiselle Frog est sortie de son étang : le XIIe siècle sicilien, Roger II, une ville-crase où se côtoient mosquées, églises et synagogues et, cerise sur le gâteau, le géographe Idrîsî pour personnage principal... Il y avait de quoi sortir son plus beau nénuphar !
Pour autant, s'il reste d'une lecture plaisante, Le Sultan de Palerme n'est pas un bon roman, c'est du moins ce que croit Mademoiselle Frog. Mais laissons-là s'expliquer :
"Ce qui m'a déçue le plus, c'est sans aucun doute la manière dont l'auteur n'investit pas son personnage, celui d'Idrisi, je veux dire. Il y avait sans doute trop de vacuité et trop de repères à la fois pour l'historien qu'est Ali... un espace que le romancier n'a visiblement pas su exploiter."
Mademoiselle Frog se tait, feuillette le livre maladroitement, balaie une page d'un regard triste, puis reprend :
"A aucun moment, je n'ai pu accepter le pacte fictionnel, tout ce que je lisais me semblait suspect. On ne me racontait pas là une histoire, on me racontait l'Histoire... qui elle aussi finissait par sonner faux ! Au bout du compte, je n'adhérais à rien.
Tenez, le statut de géographe par exemple, cela même semble l'embarrasser, cet aspect du personnage n'est convoqué qu'en des formes anecdotiques, le plus souvent en soupirs faciles Aaaah mais il me faut finir mon livre...
Alors il se réfugie dans la vie présumée intime du savant : ses amours, ses enfants, ses coups de queue, son sperme. Mais même l'illustre sperme n'atteint pas la magie de la fable : la sauce ne prend pas, si je puis dire.
On pense alors à Umberto Eco, et on se met à rêver qu'il s'empare d'Idrisi... Mais on comprend bien que lui ne le ferait pas : il se fabriquerait un Baudolino et lui ferait rencontrer Idrisi... Et c'est sans doute ce qu'a voulu faire Ali, je veux dire, se faire rencontrer les êtres, le temps et les choses, du moins si l'on en croit l'intitulé prometteur du premier chapitre : Considérations d'Idrisi sur les commencements et les rencontres du hasard. Et bien moi je crois que Tariq Ali a laissé s'échapper le hasard, et pour le coup, un peu de littérature."
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire