lundi 30 juin 2008

C'est l'été, c'est le temps des rondes !

Un joli questionnaire arrivé de Théobald. Puis-je demander à Gangoueus d'y répondre à son tour ?

1) Quel(s) souvenir(s) avez-vous de votre apprentissage de la lecture ?


Malheureusement aucun. Une chose est sûre : je savais lire avant d'entrer à l'école, avant l'âge de 5 ans donc.
La magie du premier déchiffrage, celle des mots qui soudain s'assemblent en phrases digestes, et que l'on finit d'ânonner sous l'oeil humide d'une mère, ces magies-là se sont perdues avec le souvenir de mes premiers pas, de ma première nuit sans couche, de mon premier jeu de mots, de mon premier steack.

Mes parents expliquent très modestement ce petit miracle familial : ils me lisaient beaucoup d'histoires. Modeste, je n'irai pas plus loin : ils me lisaient beaucoup d'histoires.


2)Vos lectures préférées lorsque vous étiez enfant ?

J'aimais les histoires tristes, j'aimais les orphelins, j'avais un secret : j'étais leur reine silencieuse. Et puisque nous sommes entre nous, je peux dire aujourd'hui que leurs joies – souvent misérables, me faisaient verser plus de larmes que leurs peines. Jusqu'à l'âge de 8 ans au moins, j'ai lu et relu avec le même plaisir Les Malheurs de Sophie, Un bon petit diable, La Petite fille aux allumettes et Sans Famille.

3)Aimez-vous la lecture à haute voix ? Comment ? Pourquoi ?

J'adore. Enfant, j'étais troublée/bercée par cette voix – ma voix ? qui parlait d'autres langues que la mienne, d'autres mots, d'autres mondes. Aujourd'hui, je me surprends encore à relire tout haut un petit pan de phrase particulièrement beau, un poème, une scène. J'aime écouter les livres ; et lorsque j'écris un peu plus sérieusement, c'est l'oreille qui me guide.

4)Votre conte préféré ?

Quelque chose entre Le Vilain petit canard, La Petite fille aux allumettes et Une perle.

5)La meilleure adaptation cinématographique d'un roman ou d'une pièce de théâtre ?

Sans hésiter, Le Temps retrouvé de Raoul Ruiz.

6)Apprenez-vous par cœur certains poèmes, répliques de théâtre ou passages de roman ?

Jamais volontairement.

7) Avez-vous des livres ou des magazines dans vos toilettes ? Lesquels ?

Pas plus d'un livre en général. En ce moment : le Gradus des procédés littéraires (pauvre m'sieur Dupriez !)

8)Avez-vous plusieurs lectures en chantier ? Combien ? Lesquelles ?

Une anthologie : Récits de découvertes en Afrique, Les Métamorphoses d'Ovide et je vais sans doute commencer à relire les premiers volumes de la série Song of Ice and Fire de G. R. R. Martin (le dernier est enfin annoncé pour septembre, avis aux amateurs !)

9)Le poète que vous ne cesserez jamais de relire / de vous réciter ?

J'en ai deux qui se fightent en ce moment même, comme je ne sais pas les départager ce soir : Rimbaud et Aragon.

10)Le livre que vous avez lu le plus rapidement ? Le plus lentement ?

Première question très très difficile, je suis souvent gloutonne. Pour jouer le jeu, L'Instant de ma mort, de Maurice Blanchot ; le plus lentement ? L'Entretien infini de Maurice Blanchot ;-)

11)Le(s) livre(s) que vous ne rangez jamais dans votre bibliothèque et qui traîne(nt) toujours ?

Les livres que je viens de lire ou de relire traînent en général de longues semaines dans le salon. Disons qu'une quarantaine d'entre eux sortent de manière régulière.

12)Préférez-vous les éditions de poche aux éditions originales ? Pourquoi ?

Je n'ai pas de préférence marquée pour les éditions originales ou les grands formats, cela dépend des collections. Si j'ai le choix, j'évite par  certaines collections en format poche : les GF (ils se délitent et la typographie est atroce), les Folio : l'appareil critique est désolant.

13)Quel est votre rapport physique à la lecture ? Debout ? Assis ? Couché ?

Comme mon cher Théobald, je me déclare perverse, je pratique toutes les positions.

14)Vos lectures sont-elles commentées « crayon à la main » ?

Presque toujours. C'en devient même agaçant. Parfois pourtant, l'émotion me fait lâcher le stylo ; mais comme je suis incorrigible, lorsque cela arrive, je relis l'ouvrage en me cramponnant audit stylo... lamentable.

15)Offrez-vous des livres ?

Très souvent oui.

16)La plus belle dédicace ? (Qu'elle soit de l'auteur ou de celui/celle qui vous l'offrît)

Elle figure sur un livre que m'avait offert ma grand-mère paternelle, une monographie consacrée à un peintre que j'adorais enfant."A Mlle Frog, invitation à la couleur entre Orient et Occident."

17)Quel est votre rapport sensuel au livre ? (son odeur, sa texture, le son des pages tournées, …

Très fort. Je le caresse, je le sens, je l'écoute. C'est pour moi un contact essentiel ; je n'ai jamais réussi à lire un e-book.
Le mois dernier, dans ma librairie de quartier, un homme d'une quarantaine d'année s'est subitement planté devant moi, yeux poignardés dans les miens, nez reniflant frénétiquement un livre ouvert. Depuis cette rencontre-miroir, j'essaie d'éviter de renifler mes livres en public.

18)Quel(s) est (sont) le(s) auteur(s) dont vous avez lu l'œuvre intégrale ?

Je ne sais pas si c'est exhaustif mais à coup sûr : Zola (Oeuvres de jeunesse (hum), théâtre, oeuvres critiques... ah l'idolâtrie adolescente...), Wilde, Rimbaud, Verlaine, Baudelaire, Proust, Perec, Des Forêts.

19)Un livre qui vous a particulièrement fait rire ?

Il y en a tellement... Un des tout derniers qui, entre mille autres, choses m'a beaucoup fait rire : Je suis un écrivain japonais de Dany Laferrière.

20)Un livre qui vous a particulièrement ému ?

Tout aussi difficile... Je pourrais citer le précédent. Mais pour varier le plaisir, je dirais Kawa le Kurde, de Sandrine Alexie, pour l'amour qui court les pages, sa poésie, sa force. Et puis aussi Peaux noires et masques blancs de Franz Fanon, pour les mêmes raisons je crois.

21)Le livre qui vous a terrifié ?

Peintures de Segalen. J'ai eu peur des livres et de leurs images.

22)Le livre qui vous a fait pleurer ?

Il m'aurait été plus simple de répondre à la question : "quel est le livre qui ne vous a pas fait pleurer ?"
Je citerai donc le dernier en date : Pays sans chapeau, de Dany Laferrière.

23)L'avertissement / l'introduction qui vous a le plus marqué ?

Difficile encore... cette introduction sans titre des Actes de Michel Deguy, qui se termine par "Le silence fut chez lui".

24)Le titre le plus marquant / original / décalé / astucieux ?

Je suis un écrivain japonais (forcément !), W ou le souvenir d'enfance, Petits poèmes en prose, À travers la vitre.

25)Décrivez votre (vos) bibliothèque(s).

Aucun meuble bibliothèque dans le salon, ils sont dans le bureau et dans la chambre. Dans les deux cas, un grand cirque que je ne cherche plus à domestiquer. Des piles clowns, des rangées trapézistes, des tas équilibristes, des tranches et des plats en désordre.

26)Le(s) livre(s) dont vous vous êtes finalement débarrassé(s) ?

J'ai fait don de cartons entiers de classiques format poche à une bibliothèque municipale lorsque j'ai sauté d'un étang à l'autre. Je me suis débarrassée de quelques livres, abandonnés sur des bancs ou sur un trottoir (Ne vous extasiez pas sur ma prétendue générosité, c'étaient de très mauvais livres).

27)L'endroit le plus insolite où vous lisez ?

Dans la rue, en marchant ?

28)Il ne vous reste que trois jours à vivre, que souhaitez-vous lire ou relire ?

Une partie de La Recherche du temps perdu peut-être.

29)Votre livre d'art préféré ?

En ce moment, L'Annonciation italienne par Daniel Arasse.

30)La bibliothèque idéale ?

Celle d'un Borgès.

31)L'incipit qui vous a le plus marqué

Ce n'est pas très original mais c'est un de mes plus beaux souvenirs de lecture : "Longtemps je me suis couché de bonne heure... "
J'avais 16 ans, je l'ai lu à voix haute. Un moment d'extase larmoyante.

32) La fin qui vous a le plus marqué.

Presque sans hésiter :

"Non, tu n'es plus le maître anonyme du monde, celui sur qui l'histoire n'avait pas de prise, celui qui ne sentait pas la pluie tomber, qui ne voyait pas la nuit venir. Tu n'es plus l'inaccessible, le limpide, le transparent. Tu as peur, tu attends. Tu attends, place Clichy, que la pluie cesse de tomber." (Un homme qui dort, George Perec)

Et puis, plus récemment,  le "Bonne nuit Da" de Dany Laferrière, dans L'Odeur du café.

samedi 28 juin 2008

Vosu tagguez, il taggue, elle taggue (...) je taggue

Voici un tag rigolo venu d'ici et d'ailleurs :

[ Attrape le livre le plus proche
Va à la page 123 (ou 23 si short book !)
Trouve la 5ème phrase
Et recopie les 3 suivantes
Tagge 5 autres personnes ]


Le livre le plus proche de Mademoiselle Frog : Voyages de découvertes en Afrique. 1790-1890, une anthologie dirigée par Alain Ricard, publiée dans la collection Bouquins Laffont. Entre fictions de l'autre et de soi, regards délirants, coloniaux ou colonialistes, propos surprenants pour leur temps, les textes ici réunis s'ordonnent autour de quatre grandes parties, quatre fleuves : Niger, Zambègue, Nil et Congo. Outre une préface bien fichue où l'auteur, dès les premières lignes, prend soin de nous rappeler qu'ici personne n'a rien "découvert", que le seul mérite d'un Linvingstone est d'avoir été le premier Européen à "voir" les chutes Victoria, chaque texte est accompagné d'une notice éclairante (c'est malheureusement loin d'être toujours le cas dans les anthologies).


Page 123 donc, de la cinquième à la huitième phrase (je ne compte pas le sous-titre, c'est déjà assez frustrant comme ça !).


"Ce lieu se nommait Aououl-Moll (avant Moll).

Vue du lac Tchad
Le grand lac Tchad réfléchissait les rayons du soleil. La vue de cet objet si intéressant pour nous, produisit en moi une satisfaction et une émotion dont aucune expression ne serait assez énergique pour rendre la force et la vivacité. Mon coeur battait avec violence, car je pensais que ce lac était la clef du grand problème dont nous cherchions la solution ; j'implorai en silence la bonté divine our qu'elle nous continuât sa protection, qui nous avait mis en état de venir si loin, bien portants, et vigoureux même pour accomplir notre tâche."



Je taggue, nous tagguons (cinq vraiment, je commence par trois et complète ma liste dès que j'ai un (autre) moment.)

- Vita Nova
- Theobald
- Fitting etc


jeudi 12 juin 2008

A ciel ouvert ?




"Même guéri, je doutais de l'être. Je ne pouvais ni lire ni écrire. J'étais environné d'un Nord brumeux. Mais voici l'étrangeté : quoique me rappelant le contact atroce, je dépérissais à vivre derrière des rideaux et des verres fumés. Je voulais voir quelque chose en plein jour ; j'étais rassasié de l'agrément et du confort de la pénombre ; j'avais pour le jour un désir d'eau et d'air."

M. Blanchot, La Folie du jour, 1973.
(Ill. Mademoiselle Frog)

mardi 3 juin 2008

Troisième genre

"Dans ce rapport que nous isolons d'une manière qui n'est pas nécessairement abstraite, l'un n'est jamais compris par l'autre, ne forme pas avec lui un ensemble, ni une dualité, ni une unité possible, est étranger à l'autre, sans que cette étrangeté privilégie l'un ou l'autre. Ce rapport, nous l'appelons neutre, indiquant par là qu'il ne peut être ressaisi ni lorsqu'on affirme, ni quand on nie, exigeant du langage, non pas une indécision entre ces deux modes, mais une possibilité de dire qui dirait sans dire l'être et sans non plus le dénier. Et, par là, nous caractérisons peut-être l'un des traits essentiels de l'acte "littéraire" : le fait même d'écrire."

• M. Blanchot, L'Entretien infini, chap. VII, "Le rapport du troisième genre".