jeudi 8 mai 2008

Une durée nouvelle

"7. A partir du cri
Vois les pays. "Entends les pays, derrière l'îlet." Du point fixer d'ici, trame cette géographie.
Du cri dixe d'ici, déroule une parole aride, difficile. Accorde ta voix à la durée du monde.
Sors de la peau de ton cri. Entre en peau du monde par tes pores. Soleil à vif. Nous entassons des salines où tanr de mots miroitent.
Nous tombons aux falaises par les clameurs de mer.
Parole non garante. Un peuple ne souffre pas la gehenne de son transbord tout simplement pour que ta voix s'accorde. Le souffle du monde ne se résume pas à l'accent des poètes. Le sang et les os étouffés dans la terre ne crient pas par ta gorge.
Parole menacée. Car nous sommes habitués au détour, où la chose dite se love. Nous effilons le sens comme coutelas su la roche volcanique. Nous l'étirons jusqu'à ce menu filet d'eau qui lace nos songes. Quand vous nous écoutez, vous croyez la mangouste qui sous les cannes cherche la traverse.
Mais parole nécessaire. Raide et cassée. Sortie du gouffre, avec les os. Et qui se cherhe dans tant de semblants où nous nous sommes complu. Et qui s'accorde malgré tout à cette énorme mélopée du monde.

(Quitter le cri, forger la parole. Ce n'est pas renoncer à l'imaginaire ni aux puissances souterraines, c'est armer une durée nouvelle, ancrée aux émergence des peuples.)"

• Édouard Glissant, Le Discours antillais, 1997.
• Illus. Zao Wou-Ki, Composition.

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