mardi 27 mai 2008

Erreur

"- La recherche serait donc de la même sorte que l'erreur. Errer c'est tourner et retourner, s'abandonner à la magie du détour. L'égaré, c'est celui qui est sorti de la garde du centre, tourne autour de lui-même, livré au centre et non plus gardé par lui.
- Plus justement, il tourne autour..., verbe sans complément, il ne tourne pas autour de quelque chose, ni même de rien ; le centre n'est plus l'immobile aiguillon, cette pointe d'ouverture qui dégage secrètement l'espace du cheminement. L'égaré va de l'avant et il est au même point, il s'épuise en démarche, ne marchant pas, ne demeurant pas.
- Et il n'est pas au même point, quoique y étant par le retour. Cela est à considérer. Le retour efface le départ, l'erreur est sans chemin, elle est cette force aride qui déracine le paysage, dévaste le désert, abîme le lieu.
- Une marche dans les régions frontières et en frontière de la marche.

(...)

- Par l'erreur, vous dites que les choses ne se montrent ni ne se cachent, n'appartenant pas encore à la "région" où il y a lieu de se dévoiler et de se voiler.
- L'ai-je dit ? Je dirais plutôt : l'erreur est cette obstination sans persévérance qui, loin d'être l'affirmation sévèrement continuée, se poursuit en la détournant vers ce qui n'a rien de ferme. L'erreur essentielle est sans rapport avec le vrai qui est sans pouvoir sur elle. La vérité dissiperait l'erreur si elle la rencontrait. Mais il y a comme une erreur qui ruine tout pouvoir de rencontre. C'est probablement cela, errer : aller hors de la rencontre."

• M. Blanchot, "Parler, ce n'est pas voir", L'Entretien infini.
(Ill. Manuscrit de Proust)

Aucun commentaire: