mardi 8 avril 2008

Ps Longin : rien d'exceptionnel

Longin relève trois sortes de défauts propres au discours qui tend au sublime :
L'enflure, qui selon lui, fait partie des défauts dont on a le plus de mal à se garder : "car, tout naturellement, tous ceux qui visent à la grandeur, dans leur souci de fuir le reproche de faiblesse et de sécheresse, je ne sais comment, se précipitent en ce vice, convaincus que 'broncher devant la grandeur est néanmoins une faute qui a de la race' [...] Rien n'est plus sec, dit-on, qu'un hydropique."

Vient ensuite la puérilité, compagne de la froideur.
"Qu'est-ce donc de la puérilité ? N'est-ce pas, de toute évidence, une pensée qui sent son écolier ; qui par trop de minutie, aboutit à la froideur ? Glissent dans ce genre ceux qui visent l'exceptionnel, le fabriqué, et surtout le plaisant, et, de ce fait, échouent dans le clinquant et le mauvais goût."

"A côté existe un troisième genre de défaut, dans le pathétique, que Théodore appelait le parenthyrse (un enthousiasme simulé – NdMF). C'est dans la passion hors de propos, et vide, là où il ne faut pas de passion ; ou de la passion sans mesure, là où il faut de la mesure. Souvent, comme sous l'effet de l'ivresse, pour des choses que le sujet n'exige plus, en voilà qui produisent des passions personnelles et sentant l'école; puis, face à un auditoire qui ne ressent aucune passion, ils manquent aux convenances ; c'est tout à fait normal : ils sont hors d'eux-mêmes, face à des gens qui ne sont pas hors d'eux-mêmes."

[...]
"Mais tous ces défauts, si malséants, s'introduisent dans les discours pour une cause unique ; c'est la chasse à la nouveauté dans les pensées, qui est surtout la raison pour laquelle nos contemporains* font les corybantes. Tant il est vrai que ce qui est à l'origine de nos biens, l'est presque toujours de nos mots. Voilà pourquoi ce qui contribue à la réussite des livres, la beauté du style, la recherche du sublime, et ajoutons-y le plaisant, ces éléments mêmes sont les principes du succès comme de son contraire."

• pseudo Longin, Traité du sublime, traduit du latin par Jackie Pigeaud.
Illustration : Pierre-Yves Freund, "Equilibre 3" (plâtre et métal)

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