"29 avril 1994
Un canapé qui flotte dans la brume. Dedans, m'enfonçant, je sombre en douceur. 6 heures. On est bien ici. Une tête coupée à la machette. En différé. Dommage. Des frocs puants sur la sale chair noire, des vertes mouches sur tout le rouge du sang. Un soleil limpide, bronzage intégral pour tous ces pans d'épiderme en l'air. Ce canapé qui n'en finit pas de se creuser...
Et les mouches. Les mouches, les mouches qui fouillent dans la coupe de tête, qui ressortent par les trous de nez, qui se cognent au vent et qui retombent imbues de cervelles... Une aspirine. Hachis parmentier. Une aspirine. Des sèches et des dures. Des chars sur l'asphalte, qui se détournent, écrasant les mouches.
Un enfant dans l'herbe, sur la moquette, on se sent bien ici. Une femme nue – négresse tailladée sur mille injures, sur mille insultes... A violer. A violer le long de ma tombe. De mon canapé. En différé. Dommage. A différer dans mes rêves.
Et la femme nue relape les mouches écrasées de cervelle, les recrache dans son sexe. L'enfant a faim sur la verte moquette. Je crie : "La mienne, cervelle parmentier de tes envies, tu ne la répandras pas dans tes tripes ! " Et j'efface la femme et je la balaye et je la sombre. Elle disparaît. En direct.
On se sent bien ici. Une boue où s'engouent mille balles de fou. Une boue où s'engoue une chair en bouillie. Une boue. Un char en furie. Les chenilles. Les chenilles !.... Qui traversent sanglantes les crues de mouches.
On est bien ici. 7 heures. Intact canapé que paralysent mes jambes longues. On est bien ici. 8 heures. Bien. Bien. Net sans bavure. Ni tache de sang. Ni mare d'oubli. De l'aspirine bordel ! [...]
Un bruit. Un massacre. Tout au fond de l'appartement. Des membres qui volent. Qui salissent le mur de l'appartement. Des membres qui volent. Qui atterrissent au pied de mon canapé. Pas d'odeur. Dommage. Pas d'odeur. Vacarme soudain. Des pierres qui volent et des voix et des cris pulvérisés sous les pavés. Des cailloux. Des barres de fer. Des tas d'os et de la merde de chien de race protégée.
Une rafale. Quelques pleurs mon Dieu. Quelques pleurs. Tout au fond de l'appartement."
• Jean-Luc Raharimanana, Rêves sous le linceuil, recueil de nouvelles, Le Serpent à plumes, 1998.
Un canapé qui flotte dans la brume. Dedans, m'enfonçant, je sombre en douceur. 6 heures. On est bien ici. Une tête coupée à la machette. En différé. Dommage. Des frocs puants sur la sale chair noire, des vertes mouches sur tout le rouge du sang. Un soleil limpide, bronzage intégral pour tous ces pans d'épiderme en l'air. Ce canapé qui n'en finit pas de se creuser...
Et les mouches. Les mouches, les mouches qui fouillent dans la coupe de tête, qui ressortent par les trous de nez, qui se cognent au vent et qui retombent imbues de cervelles... Une aspirine. Hachis parmentier. Une aspirine. Des sèches et des dures. Des chars sur l'asphalte, qui se détournent, écrasant les mouches.
Un enfant dans l'herbe, sur la moquette, on se sent bien ici. Une femme nue – négresse tailladée sur mille injures, sur mille insultes... A violer. A violer le long de ma tombe. De mon canapé. En différé. Dommage. A différer dans mes rêves.
Et la femme nue relape les mouches écrasées de cervelle, les recrache dans son sexe. L'enfant a faim sur la verte moquette. Je crie : "La mienne, cervelle parmentier de tes envies, tu ne la répandras pas dans tes tripes ! " Et j'efface la femme et je la balaye et je la sombre. Elle disparaît. En direct.
On se sent bien ici. Une boue où s'engouent mille balles de fou. Une boue où s'engoue une chair en bouillie. Une boue. Un char en furie. Les chenilles. Les chenilles !.... Qui traversent sanglantes les crues de mouches.
On est bien ici. 7 heures. Intact canapé que paralysent mes jambes longues. On est bien ici. 8 heures. Bien. Bien. Net sans bavure. Ni tache de sang. Ni mare d'oubli. De l'aspirine bordel ! [...]
Un bruit. Un massacre. Tout au fond de l'appartement. Des membres qui volent. Qui salissent le mur de l'appartement. Des membres qui volent. Qui atterrissent au pied de mon canapé. Pas d'odeur. Dommage. Pas d'odeur. Vacarme soudain. Des pierres qui volent et des voix et des cris pulvérisés sous les pavés. Des cailloux. Des barres de fer. Des tas d'os et de la merde de chien de race protégée.
Une rafale. Quelques pleurs mon Dieu. Quelques pleurs. Tout au fond de l'appartement."
• Jean-Luc Raharimanana, Rêves sous le linceuil, recueil de nouvelles, Le Serpent à plumes, 1998.
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