Une petite merveille de perfidie à la mode du XIIe siècle, soit une lettre de la Supérieure Tengswich à Hildegarde, et qui a le grand mérite de nous révéler, à travers l'extase feinte, l'envie mal dissimulée, la punkitude de la sainte New Age.
1148-1150
"Twengswich, supérieure des Soeurs d'Andernach, à Hildegarde, supérieure des épouses du Christ, en priant qu'elle fasse partie un jour des âmes les plus haut placées dans le ciel.
La réputation de votre sainteté et votre renommée volant partout* a fait retenir à nos oreilles certains prodiges admirables et stupéfiants et nous a vivement recommandé, à nous qui sommes insignifiantes, l'excellence de votre conception particulière de la vie religieuse. Un grand nombre de personnes nous ont appris qu'un ange vous révèle, pour que vous les mettiez par écrit, de nombreux mystères célestes, difficiles à comprendre par nous autres mortels, et qu'il vous ordonne d'accomplir certaines choses, non parce que vous en auriez délibéré avec vous-même, mais parce que Dieu lui-même les commande**.
Nous avons entendu parler d'une habitude étrange qui vous est propre : les jours de fête, vos vierges chantent des paumes, debout dans l'église, les cheveux défaits, portant en plus de leur robe, de longs voiles de soie blanche qui descendent jusqu'à terre. Des couronnes en filigrane d'or, décorée de croix à l'avant et à l'arrière, sont posées sur leur chevelure ; la croix qu'elle porte sur le front est joliment gravée d'un agneau ; et de plus, leurs doigts sont ornés d'anneaux d'or ***, à l'encontre des recommandations expresses du premier berger de l'Eglise dans ses épîtres, prescrivant aux femmes de se comporter de manière décente, sans se parer ni de tresses, ni d'or [...] ****
Ô vénérable épouse du Christ, une conduite aussi nouvelle que la vôtre excède de fort loin notre faible entendement et cause notre profond étonnement. Aussi, bien que nous nous réjouissions du fond de notre coeur, nous, femmes insignifiantes, avec tout l'amour que nous devons porter à vos progrès spirituels, nous désirons pourtant que vous nous donniez votre avis éclairé sur ce sujet..."
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* C'est autour de 1145 qu'Hildegarde, sous le conseil de Bernard de Clairvaux, commence à consigner par écrit tout ce qu'elle apprend au cours de ses visions.
** Péché ! Péché !*** Comme elle s'attarde la supérieure, comme elle y goûte !
**** Et pour sortir de la concupiscence, rien de mieux qu'une citation biblique ! Voilà qui remet les désirs en place.
• Lettres d'Hildegard Von Bingen, traduites du latin par Rebecca Lenoir, J. Millon éditions, 2007.
• Lettres d'Hildegard Von Bingen, traduites du latin par Rebecca Lenoir, J. Millon éditions, 2007.
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