samedi 28 août 2010

Les damnés de la terre

"Ces envoyés des organismes humanitaires arrivent à Port-au-Prince toujours pleins de bonnes intentions. Des missionnaires laïques qui vous regardent droit dans les yeux en vous débitant leur programme de charité chrétienne. Ils se répandent dans les médias à propos des changements qu'ils comptent apporter pour soulager la misère des pauvres gens. Le temps de faire un petit tour des bidonvilles et des ministères pour prendre le pouls de la situation. Ils comprennent si vite les règles du jeu (se faire servir par une nuée de domestiques et glisser dans sa grande poche une partie du budget alloué au projet qu'ils pilotent) qu'on se demande s'ils n'ont pas ça dans le sang – un atavisme de colon. Leur parade quand ils sont mis en face du projet initial c'est qu'Haïti semble inapte au changement. Pourtant ils continuent dans la presse internationale à dénoncer la corruption dans ce pays. Tous les journalistes de passage savent bien qu'il faut passer prendre un verre près de leur piscine pour avoir cette information solide venant de gens objectifs et honnêtes – les Haïtiens, on le sait, ne sont pas fiables. Ces journalistes ne se demandent jamais comment se fait-il que ces gens vivent dans de telles villas quand ils se disent ici pour aider les damnés de la terre à s'en sortir.

Si Haïti a connu trente-deux coups d'Etat
dans son histoire
c'est parce qu'on a tenté de changer
les choses au moins trente-deux fois."

• Dany Laferrière, L'Enigme du retour, Grasset, le reste du monde, 2009.

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