"J'écris cette histoire qui advint aux commencements du monde, et qui est donc l'histoire de la première tyrannie du monde, de la première révolte du monde et des premiers mensonges du monde. Auparavant, on disait ce qui était, et tout ce qui était, était dit. Zohak, le premier, mentit sur le monde pour le conformer à sa volonté. Ce premier mensonge engendra une longue théorie de peurs et de mensonges, car le mensonge ne va jamais sans peur et la peur oblige à mentir. Les mots, pour la première fois, servirent à dire ce qui n'était pas, et par la suite, ce qui était dit sans être, devenait plus réel que ce qui était sans être dit. Et de plus en plus d'hommes eurent peur et donc mentirent, et à la fin, nous ne fûmes plus qu'un nombre très restreint à dire la vérité."
Et alors nous avons commencé à écrire car la parole craintive a trouvé à se dissimuler dans le silence, et l'ombre sied aux pages que l'on noircit comme la vérité de la nuit. La parole est brave, claire éblouissante. L'écriture se tait, elle est une effraction, elle est crainte toute entière, un combat sournois, apeuré, contre la peur elle-même. Les diseurs sont des lions. Nous sommes les renards de la nuit."
• S. Alexie, Kawa le Kurde, roman, L'Harmattan, "Lettres kurdes", 2005.
• S. Alexie, Kawa le Kurde, roman, L'Harmattan, "Lettres kurdes", 2005.
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